La Marne dans la Grande Guerre : le catalogue - page 19

Face à la puissance de feu de chacun des adversaires,
les combattants cherchent à s’enterrer et creusent
des tranchées de plus en plus complexes, étalées
sur plusieurs lignes successives. Sur le front de
Champagne, tout creusement du sol laisse apparaître
la craie, cette dernière doit être masquée afin de ne
pas révéler à l’adversaire tout aména-
gement de la position. Le sapeur
Fernand Léger, alors en Argonne,
écrit à son ami Louis Poughon
le 30 mai 1915 : « Cette guerre-là,
c’est l’orchestration parfaite de
tous les moyens de tuer anciens et
modernes. C’est intelligent jusqu’au
bout des ongles. C’en est même em-
merdant, il n’y a plus d’imprévu…
C’est linéaire et sec comme un pro-
blème de géométrie. Tant d’obus en
tant de temps sur une telle surface,
tant d’hommes par mètre et à l’heure
fixe en ordre. Tout cela se déclenche
mécaniquement. C’est l’abstraction pure, plus pure
que la Peinture Cubiste. »
[Fernand Léger une correspondance de guerre
Les cahiers du musée d’Art Moderne,
Hors-série, archives, 1990]
La plaine marnaise, dominant le paysage, néces-
site une défense étagée sur plusieurs kilomètres.
Les retranchements linéaires bloquent toute
offensive autre que frontale et rendent quasiment
indispensable le recours à des artilleries de plus
en plus puissantes, chargées d’écraser les tran-
chées adverses. Le front est composé de plusieurs
lignes : la « ligne de feu » est faite des tranchées où
stationnent les fantassins chargés de les défendre,
ainsi que les artilleurs de tranchées.
Le soldat allemand Frédéric Japp,
alors en position à la butte du Mes-
nil en 1915, décrit les conditions
d’emploi de l’artillerie de tranchée :
« Mes camarades et moi occupons
la première tranchée sur une crête ;
les Français se trouvent à 30 ou
50 mètres, face à nous.
Leur artillerie ne tire pas souvent
car la distance entre les tranchées
est trop petite et les obus risquent
de tomber dans leur camp. Pour
pouvoir se servir de cette arme,
les adversaires sont obligés d’éva-
cuer leurs propres tranchées.
Dans ces conditions, les lance-mines
(minenwerfer ou crapouillots), engins à tirs particu-
lièrement courbes, sont une solution.
Dès que nous entendons sa détonation, la mine monte
droit ; sa vitesse diminue au fur et à mesure, jusqu’au
point mort. Alors, elle culbute et retombe à une vitesse
qui ne cesse de croître pendant la chute. Nous obser-
vons donc sa trajectoire avec attention pour pouvoir
nous sauver à temps. Si plusieurs lance-mines tirent
en même temps, l’observation devient plus difficile
et très énervante. Surtout pendant la nuit quand nous
ne pouvons en déceler l’endroit de chute. Dans ce
cas nous restons très tendus et fort angoissés jusqu’à
leur explosion. »
L’enracinement :
les tranchées
et l’organisation
du front
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la marne dans la grande guerre
L e s
r e t r a n c h e m e n t s
l i n é a i r e s
b l o q u e n t t o u t e
o f f e n s i v e
Cadre ci-contre
En pleine attaque, Souain, 25 septembre 1915.
Plaque de verre stéréoscopique.
© Archives départementales de la Marne [51Fi 5 028]
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